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Comment lutter contre le harcèlement scolaire ?

Catherine Verdier, psychologue offre des explications claires sur une méthode naturelle à mettre en place dès le plus jeune âge pour vaincre le harcèlement scolaire.

Un sujet qui touche de plus en plus d’enfants à l’école, un élève sur dix subit un harcèlement scolaire en France. C’est le point de départ de votre nouveau livre #J’aime les autres , à paraître en septembre prochain chez Éditions du Rocher, racontez-nous ce combat que vous menez.

Catherine Verdier : Le harcèlement scolaire n’est pas un simple conflit entre élèves. C’est une violence parfois visible mais le plus souvent invisible aux yeux des adultes. Elle touche 700 000 enfants en France. Toutefois face à une victime se trouve un(e) harceleur (se) ainsi que tout un groupe d’enfants-témoins dont la participation est plus ou moins active. Le nombre de jeunes impliqués dans une situation de harcèlement dépasse donc de beaucoup ce chiffre. Le harcèlement scolaire est un vrai risque que chaque enfant peut rencontrer au cours de sa scolarité. Par ailleurs, aujourd’hui le harcèlement scolaire ne s’arrête plus aux grilles de l’école puisqu’il se poursuit par le biais du cyber harcèlement : harcèlement en ligne, insultes, photos diffusées sans consentement, vidéos dégradantes, usurpation d’identité sont autant de possibilités de harceler et de détruire quelqu’un en un seul clic et à grande échelle.

Vous pouvez nous parler de votre association qui se bat contre ce harcèlement ?

CV : Ma rencontre avec Nora Fraisse s’est faite dans un même élan de colère et de tristesse face à tous ces jeunes qui se taisent et vivent la violence scolaire en silence et, face aux adultes qui sont très souvent dans le déni ou ne savent comment s’y prendre pour enrayer le harcèlement scolaire. L’Association Marion la Main Tendue, qui regroupe de nombreux intervenants, se bat et lutte contre le harcèlement scolaire en proposant des conférences, des sensibilisations au sein des établissement scolaires, des formations à la méthode Pikas, des prises en charge thérapeutiques des victimes ainsi que des ateliers de confiance en soi pour les familles victimes de harcèlement scolaire.

Quels moyens adopter lorsque votre enfant est victime de harcèlement scolaire ?  Et lorsqu’il est agresseur, comment intervenir ?

CV : La violence scolaire existe là où elle ne devrait pas être, là où chaque enfant devrait se sentir en sécurité pour s’instruire : l’école. Les faits se produisent à l’abri du regard des adultes : dans les cours de récréations, les couloirs d’écoles, les cantines, les vestiaires de sport, les toilettes, les coins et les recoins, les bus scolaires. Les adultes doivent donc rester vigilants, être informés de ce fléau, formés, et surtout ne pas fermer les yeux et accueillir avec bienveillance les plaintes des enfants.

La lutte contre le harcèlement scolaire passe par la sensibilisation ET la formation des parents (conférences, articles, atelier de confiance en soi Stop And Go d’aide aux victimes), mais également des enfants (il faut résolument sortir les victimes du silence et de l’omerta imposée par les harceleurs et le groupe) et bien sûr des enseignants : la formation à la méthode Pikas permet d’enrayer une situation de harcèlement en 4 à 6 heures. Soit très peu de temps pour sauver une vie. La méthode Pikas part du principe que dans le groupe de pairs il y a toujours un jeune qui n’est pas à l’aise et désir stopper cette situation. L’intervenant propose donc à ce témoin et aux autres de trouver une solution pour sortir la victime et le harceleur de cette situation. C’est une méthode non blessante et non culpabilisante car les leçons de morale et les punitions ont l’effet inverse de celui escompté (le harcèlement scolaire s’amplifie). L’ensemble du groupe doit se sentir concerné et impliqué, calmement mais fermement.

Nous avons donc les moyens de contrer efficacement une situation de harcèlement scolaire, comment faire pour lutter en amont et prévenir ce fléau ?

CV : Il est impossible de demander à un jeune adolescent de "se mettre à la place de" si l’empathie, la compassion et le partage des émotions n’ont jamais été transmis. Je ne dis pas "enseigner" car ce n’est pas une matière à enseigner mais plutôt un état d’esprit dans lequel l’enfant doit grandir. Les finlandais ont implémenté dans leurs écoles la méthode KiVa dès la maternelle qui propose un programme basé sur le respect de l’enfant et le développement des compétences personnelles telles que le vocabulaire des émotions, le travail en groupe, l’empathie, la prise de parole en public… Tout au long de leur scolarité, les enfants apprennent les techniques de médiation, à gérer les petits conflits, à entendre la parole de l’autre, à respecter ses besoins tout en sachant affirmer les siens. Ce programme réduit de 75% la violence scolaire.

Pour qu’un enfant ne devienne ni victime ni harceleur, c’est dès le plus jeune âge qu’il faut s’attacher à développer les compétences psycho-sociales chez l’enfant et à renforcer la confiance en lui par le biais d’une éducation basée sur la motivation plutôt que la critique.

C’est ce que vous nommez la méthode des 3 "E" ?

CV : Oui, les 3 "E" désignant les trois mots Émotion, Estime de soi et Empathie. Ce sont trois notions qu’il faut développer chez un enfant dès le plus jeune âge pour qu’il puisse avoir de bonnes relations sociales avec les autres.

Se connaître soi-même est la première étape avant de connaître l’autre. Savoir nommer ses émotions, les repérer, respecter celles d’autrui est aussi important que les règles de grammaire. Le vocabulaire des Émotions est un langage important pour soi et son bien-être mais également pour comprendre l’autre.

L’Estime de soi est une évidence pour moi qui passe du temps à réparer la confiance en soi de mes patients. Savoir qu’on a une valeur aux yeux des autres, ce l’on vaut, connaître ses forces et ses faiblesses est la base de la confiance en soi.

Enfin, savez-vous qu’un enfant de 18 mois est capable de proposer son aide ou des solutions à une personne qu’il perçoit en détresse ? L’Empathie existe à cet âge, pourquoi disparaît-elle chez nombre d’adolescents ?

Les parents ont un rôle fondamental à jouer car comme nous le savons "l’éducation commence à la maison". Que préconisez-vous pour les familles ?

CV : Je dirai que les parents ET l’école ont un rôle fondamental dans le développement psychique d’un enfant et que les 3 "E" ne nécessitent nul matériel pédagogique.

Les émotions s’enseignent dès la naissance, et même avant. Apprendre au bébé et à l’enfant à décoder ses émotions est fondamental car avant 5-6 ans, son cerveau n’est pas encore mature pour gérer les émotions qui le submergent. Y mettre des mots est donc important pour qu’il comprenne ce qu’il ne peut pas nommer. De même les adolescents sont submergés par ces émotions incontrôlables. Repérer ses émotions dans son corps, dans sa tête dans son comportement est une hygiène de vie trop souvent négligée.

L’Estime de soi passe par une éducation à la maison comme à l’école, respectueuse, bienveillante, basée sur la valorisation et non la critique, la réflexion et non la sanction. Une éducation basée sur la négligence physique ou psychique a des impacts sur le développement neuronal du cerveau, sur le système immunitaire, les capacités d’apprentissage ainsi que les aptitudes sociales. L’enfant a besoin d’être en sécurité physique, de grandir avec des adultes attentionnés, bienveillants et respectueux de ses rythmes.

Enfin l’Empathie nécessite d’être entretenue tout au long du développement de l’enfant. S’intéresser aux autres, respecter leurs choix, être curieux des autres sont un état d’esprit plus qu’un apprentissage. Montrer l’exemple en tant qu’adulte en cédant sa place dans le bus vaut mieux que de longs discours moralisateurs. Les comportements de discrimination, d’exclusion, de racisme ou de ségrégation sont antinomyques du mot "compassion".

Comment prévenir le harcèlement ?

CV : L’Organisation Mondiale de la Santé préconise le développement des compétences psycho sociales dans les écoles, à la maison afin que l’enfant puisse grandir sereinement et prévenir ainsi les prédispositions à l’adolescence de troubles sociaux, émotionnels ou de comportements addictifs. Le harcèlement scolaire, qui est une violence entre enfants, peut être réduit considérablement si on transmet aux enfants dès le plus jeune âge ces 3 "E" : développer le vocabulaire des émotions, renforcer l’estime de soi et entretenir un comportement empathique permet d’avoir des enfants qui à l’adolescence, auront moins de risques d’être victime ou de devenir harceleur. C’est une méthode de prévention du harcèlement scolaire et du cyber harcèlement.

Si vous deviez dire un mot au gouvernement à ce sujet, ça serait…

CV : Le harcèlement scolaire est un fléau en expansion qui met en danger la vie de nos jeunes. Or la violence n’est pas un projet pédagogique et aucune humanité ne peut se construire positivement sur cette base. Il est urgent de réfléchir à ce problème de santé publique.

Je demande donc aux femmes et aux hommes de nos gouvernements de nous guider, de nous insuffler le cadre, les outils, la motivation et d’en faire enfin, une grande cause nationale et Européenne ; de faire émerger une réelle politique de lutte mais également et surtout, de prévention contre les violences scolaires et ce, dès la maternelle avec la transmission de compétences transversales comme le partage des émotions, le respect, l’empathie et bien sûr l’estime de soi.

Pourquoi ne leur enseigne-t-on pas la confiance en soi, le travail en groupe et la prise de parole en public plutôt que la démotivation et la critique ? Audace, ouverture, réflexion, curiosité, pédagogies alternatives, multilinguisme, multiculturalisme…autant de compétences dont les enfants auront besoin dans ce monde qui évolue rapidement, autant de ressources pour n’être ni victime, ni harceleur, pour aimer et respecter les autres.

Propos recueillis par Marie-Clothilde Bailbé

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