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Forêt profonde

Alina Reyes (Auteur)

Forêt profonde est une montée, une élévation ; mieux, une assomption. Mais auparavant, comme il a fallu descendre ! Interminable descente d'une rue Saint-Jacques prise dans les glaces d'un XXIe siècle avancé, entre le Collège de France désormais occupé par la Police spéciale et une Seine qu'on traverse à pied, en se tenant à une corde… Descente, surtout, dans une relation folle, meurtrière, avec le ministre de l'Intérieur, ce cinglé de Sad Tod («Triste mort» : c'est tout dire).

Toutefois, après cela et d'autres grandes épreuves de l'esprit, ça remonte vers Montmartre et Haruki le jeune amant japonais, puis, après un passage par Lourdes, ça s'élève vers les hauteurs pyrénéennes, et certaines visions, et une béatitude qui s'appelle peut-être foi… Forêt profonde ou les montagnes russes de l'âme. Un très grand Alina Reyes.

Alina Reyes est l'auteur d'une vingtaine de livres traduits dans une vingtaine de langues, dont Le Boucher, Quand tu aimes, il faut partir, Poupée, anale nationale, Sept nuits, Le Carnet de Rrose.



Extrait du livre :
La végétation avait tellement poussé cette année, les feuillages des arbres étaient si denses que la forêt semblait se resserrer autour de la maison, on l'eût dite en marche avec ses arbres, sommeil et paupières, tendre armée de mystères sur le point de nous vaincre très savoureusement, se coucher sur nous au creux de notre inviolable clairière. Il y eut des orages, du vent à ployer les hêtres en tous sens, balancer les fougères, soulever ma jupe, des odeurs à faire sauter le bouton de poitrine de mon chemisier, de violentes tempêtes de grêle et pluie mêlées ou alternées, des éclairs énormes, des étincelles claquant dans toute la maison, des coups et roule­ments de tonnerre assourdissants, qui faisaient trembler les murs de granit et le plancher comme si murs et sols, pierres et bois eux-mêmes grondaient. Immobile j'exultais, c'était trop beau.
Je cherchais le délire, à entrer en délire comme on entre en prière, pour accéder à la vision. Voir la maladie. Le monde a beau être plein de médecins et de psys de tout poil, ils ne voient rien. Je voyais que la vraie maladie de l'homme, et spécialement de l'homme moderne, c'était la psychose, ainsi que l'avaient vu aussi Hitchcock et Bret Easton Ellis. Le psychotique domine, c'est un dominateur, assouvi ou contrarié. Il s'arrange pour passer pour sain, ou mieux très sain, très lucide. Le psychotique est une femme, même si c'est un homme. Une femme qui étouffe ses proches et ses moins proches, resserre ses griffes autour de son enfant, son mari. Le psychotique est contagieux. Il contamine son foyer, son milieu, parfois tout un peuple. Il ne guérit pas, pas plus que ceux qu'il a infectés. Sa pensée inutile, absurde et mortifère (qu'il fait passer pour complexe, haute et innovante) prolifère comme un cancer, inutilement, absurdement et mortifèrement. Le psychotique veut tuer, c'est tout. Il tue. C'est pourquoi le monde est plein de morts que la psychose ambiante fait passer pour vivants.
Ce dernier été, avant d'aller voir un médecin et alors que je saignais de plus en plus, je partis en randonnée au lac d'altitude d'Ets Coubous. Les enfants grimpaient comme des cabris ; moi j'étais à tout moment sur le point de m'évanouir. Florent qui me voyait pâle comme la mort me proposa plusieurs fois de renoncer, mais je continuai, me cachant derrière de maigres buissons pour me changer, gratter les cailloux, enfouir dessous mes tampax pleins de sang et les recouvrir de quelques poignées de cette herbe fine, dure et coupante qui pousse en altitude.







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