C'est à peine s'il daigna me regarder : il regardait l'échiquier. Pour Don Sandalio, les pions, fous, cavaliers, tours, reines et rois des échecs ont plus d'âme que les personnes qui les manoeuvrent. Et sans doute a©t©il raison. Il joue plutôt bien, avec assurance, point trop lentement, sans discuter ni refaire les coups ; on ne lui entend dire qu'" échec ! ". Il joue comme on accomplit un service religieux. Mais non, mieux : comme on crée une silencieuse musique religieuse. Son jeu est musical. Il saisit les pièces comme s'il jouait d'une harpe. Et j'ai comme l'impression d'entendre le cheval de son cavalier, non pas hennir - ça jamais ! -, mais respirer musicalement lorsqu'il va faire échec.