Il y a naufrage éclair et probablement naufrageur... Rappelez-vous : le 15 janvier 2004, en début d'après-midi, par beau temps, le puissant chalutier Bugaled Breizh périt corps et biens au sud du cap Lizard, comme effacé par une vague scélérate ou la succion d'un mælström... Cinq hommes à bord : Yves, Pascal, Georges, Éric, Patrick. "Je chavire" sont les derniers mots du capitaine à la VHF, puis on entend la mer s'engouffrer. Accident naturel, aléa marin, dit la justice en 2009 après avoir beaucoup louvoyé. Accident pas naturel du tout, disent les proches constitués en parties civiles. Homicide involontaire et mensonges d'État. Le 15 janvier 2004, au sud du cap Lizard, l'OTAN entraînait ses meilleurs sous-marins à la guerre en eau peu profonde. Ils étaient officiellement anglais, allemands, hollandais, espagnols, français. Ils étaient clandestinement russes, chinois, taïwanais... Des espions parmi les espions. Ils se pourchassaient aveuglément dans la zone où le Bugaled tirait son chalut... Sans être formellement un réquisitoire, ce livre a l'intime conviction que le Bugaled Breizh n'est pas descendu mystérieusement sous la mer, ou par étourderie. Il a fait une mauvaise rencontre inopinée; il a croisé beaucoup plus fort que lui. Quelque part, quelqu'un n'en dort plus... Yann Queffélec Yann Queffélec, Breton granitique. Prix Goncourt 1985 pour Les Noces barbares (Gallimard). Membre du Corps des Écrivains de Marine, fondé par Jean-François Deniau.